mardi 13 mai 2014

Expulsion, exclusion... et projet (?) de société





Monsieur le Premier Ministre,
Madame la Secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Politique migratoire,
Mesdames et Messieurs les Ministres et Secrétaires d'Etat,


Ainsi Dawadjân, un Afghan de 21 ans, a été expulsé ce samedi 10 mai au petit matin... Il avait quitté son pays après le meurtre de toute sa famille. Sa région d'origine est considérée comme dangereuse par le CGRA.
Arrêté le 25 septembre 2013 lors d'une manifestation réprimée avec violence, Dawadjân était détenu, depuis, dans le centre fermé de Steenokkerzeel...
A quelques jours des élections, vous avez donc préféré l'expulser, avec tous les risques que cela comporte pour lui.

Mais que pèse, finalement, la vie d'un jeune homme de 21 ans face aux enjeux cruciaux qui sont les vôtres ? Et quels sont-ils, ces fameux enjeux, outre le seul fait d'être (d'accéder, de rester, de s'accrocher) au pouvoir, pour le pouvoir ? En quoi consistent (vraiment) les "projets de société"  qui vous portent ?

En faisant le bilan de la législature bientôt écoulée et en le retournant dans tous les sens, je ne peux m'empêcher de songer à cette blague :
Un banquier, un électeur et un sans papiers se partagent 12 gâteaux.
Le banquier en prend 11 et dit à l'électeur : Faites gaffe, le sans papiers veut vous piquer le vôtre !

Une blague qui fonctionne également à merveille avec les chômeurs, les immigrés, les mendiants,...

55.000 chômeurs (ou la moitié, mais ça en fait toujours 22.500 de trop) bientôt exclus du chômage pour ne pas avoir "assez cherché" un travail qui se fait, logiquement,
de plus en plus rare à mesure que les moyens de production se perfectionnent, et sans qu'aucun des partis au pouvoir n'ait jusqu'ici évoqué la plus petite piste de répartition du temps de travail.

Pire, certains prétendent défendre les chômeurs prochainement exclus (que de mains serrées en ce Premier Mai, Camarade), alors qu'ils sont eux-mêmes les artisans des lois qui les rejetteront demain aux portes de CPAS déjà
débordés...

Des chômeurs exclus pour compenser les intérêts notionnels et autres cadeaux fiscaux aux sociétés, de préférence multinationales et multimillionnaires, tandis que les petits patrons et indépendants rament et maudissent les taxes qui les écrasent.

Des cadeaux fiscaux qui coûtent environ 8 milliards d'euros à la collectivité (= chacun d'entre nous).
Tiens, justement, 8 milliards, c'est à peu près le montant annuel du budget total du chômage. « Amusant » , non ?
Des chômeurs exclus, des immigrés stigmatisés, des mendiants chassés des centres-ville, des travailleurs qui partent de plus en plus tard à la retraite, tandis que des jeunes sans droits piétinent devant l'entrée d'un marché sans emploi (ou presque).

Des réfugiés déboutés, exploités dans des boulots au noir qui entretiennent une économie parallèle et un dumping social, tout bénéfice pour des employeurs sans états d'âme. Des réfugiés en attente de statut et qui ne demandent que des papiers pour travailler légalement et payer leurs impôts pour financer vos salaires de ministres, mais aussi l'école où ils souhaitent voir s'instruire et s'émanciper leurs enfants, l'hôpital où ils seront soignés s'ils tombent malades, les transports en commun ou l'entretien des routes que nous empruntons chaque jour... Toutes ces choses qui améliorent la vie de tous et à laquelle les bénéficiaires des cadeaux fiscaux ne participent plus, ou si peu, ils souhaiteraient, eux, y contribuer, en toute légalité.
Des réfugiés déboutés, enfermés dans des prisons baptisées "centres fermés" sans avoir commis d'autre crime que de rêver d'un avenir moins sombre.

Des réfugiés déboutés, enfermés dans des prisons baptisées "centres fermés" sans avoir commis aucun crime, qu'on réveille un jour au petit matin, comme les condamnés à mort, et qu'on déporte vers le pays qu'ils aiment tant... mais où ils sont en danger. En danger !
Ce samedi 10 mai, au petit matin, Dawadjân, un Afghan de 21 ans, a été expulsé. Il avait quitté son pays après le meurtre de toute sa famille. Sa région d'origine est considérée comme dangereuse par le CGRA.

Ce matin, à Kaboul, ville considérée comme sûre par le CGRA, les Talibans ont lancé leur « offensive de printemps » et tiré des roquettes vers l'aéroport, pourtant sous contrôle de militaires, notamment belges. Trois personnes ont été tuées à Ghazni et une attaque était également en cours à Jalalabad...

Voilà vers quoi, ce samedi matin, vous avez pris la responsabilité de renvoyer Dawadjân.

Mais que pèse, finalement, la vie de ce jeune homme de 21 ans face aux enjeux qui sont les vôtres ?


Il voulait juste des papiers, juste avoir sa place dans la société, travailler légalement en payant ses impôts... et vos salaires.

Pas grand chose, en somme, quand on pense à ce que coûtent ces prisons baptisées « centres fermés... »
Ils sont encore quelques centaines à ne rien demander d'autre que cela.

Et nous sommes encore nombreux à les soutenir, pour que les 11 gâteaux de la blague soient mieux partagés entre toute la société, plutôt que de nous battre comme des chiffonniers pour tenter d'obtenir quelques miettes du dernier...

Bonne campagne électorale !

Isabelle Marchal
Citoyenne, un boulot à temps plein !